LES ROSEAUX IBERIQUES

Ha, l'été des seize ans... Il fait chaud, ce sont les vacances, vos parents sont partis en voyage pour une dizaine de jours, votre meilleur ami du lycée s'installe à la maison, une femme de ménage vient faire la cuisine... Le pied ! Dani et Nico, deux copains de lycée, sont ravis de passer une dizaine de jours ensemble. Ils vont picoler, fumer, dormir tard, se baigner et surtout draguer la minette. Oui, sauf que Dani a une autre idée en tête : faire tous les soirs avec Nico un Krampack. Un quoi ? Il faut voir le film pour comprendre le sens de ce curieux mot, mais disons qu'il s'agit d'un truc de mecs...

Cesc Gay (oui, c'est son vrai nom), avec son coscénariste Tomas Aragay (décidément !), avait deux possibilités pour décrire l'apprentissage amoureux et sexuel de ces deux gamins à peine pubères. Soit il explorait ces premiers émois de façon dramatique et en tirait une sorte de ROSEAUX SAUVAGES ibérique ; soit il prenait un malin plaisir à les filmer en tout voyeurisme tel un Larry Clarke (KIDS). Le réalisateur espagnol a choisi une troisième voie, beaucoup plus simple, plus légère et infiniment plus drôle.

SEXE... ET PAS DE COMPLICATIONS

KRAMPACK est un « coming of age movie », un film d'apprentissage, genre récurrent chez les réalisateurs débutants où l'on raconte avec tendresse le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Mais chez Gay, dont c'est le deuxième long métrage, le romantisme et la tendresse ne sont pas vraiment au rendez-vous ! Ainsi, Nico, obsédé par la taille de sa pomme d'Adam, est déterminé à se faire dépuceler avant son dix-septième anniversaire, tandis que Dani veut goûter à tout, quitte à forcer ses partenaires. Il ne se pose pas de questions : s'il a envie de gâter buccalement son meilleur ami, il ne va pas se regarder devant une glace et répéter « je suis un pédé ». Non, Dani y va franco, sans la moindre once de culpabilité. On peut trouver cette dédramatisation totale de l'homosexualité naissante peu réaliste pour un garçon de son âge mais elle a le mérite de faire rire.

QUILLE OU GLAÇON, VA SAVOIR...

KRAMPACK surprend de bout en bout. Chaque séquence est précédée d'un extrait de dialogue (style « Vas-y moins fort » ou « Je te dis qu'on va le faire ce soir ! ») qui laisse imaginer la tournure de l'intrigue. Mais Cesc Gay a la narration espiègle et s'amuse avec les attentes du spectateur et les scènes dites obligatoires. Jamais le film ne donne de solutions franches et nettes. S'agit-il d'une histoire d'amour ou d'amitié ? Dani est-il homo ou hétéro ? Après tout, peu importe, il n'a que seize ans.

Quelques prudes âmes risquent de se formaliser devant les scènes de garçons, plus suggestives que voyeuristes. En revanche, la scène où Dani, curieux d'expérimenter l'hétérosexualité, drogue une copine et abuse d'elle peut en révulser certains, d'autant que le réalisateur ne porte pas de jugement. A part cet égarement vite oublié, KRAMPACK est un film d'une fraîcheur inattendue, une comédie légère sur un sujet grave, un petit film sans prétention, pas moraliste pour un sou. Et qui donne une furieuse envie de faire un « krampack » avec un(e) petit(e) camarade.